Le Complot du Bazar français de 1820
Qu'entends-je ? Qu'ouïs-je ?? Qu'acoustiquais-je ??? 😱
La Commedia dell'Arte à La Seyne, vous connaissez ?
C'est un peu ça que l'on découvre au détour d'un registre de délibération de 1820, lorsque le Conseil municipal formule au Roi de France une adresse après la découverte du complot du Bazar français...
Le Roi ?? 🤨 Le Bazar français ? 🧐
🤭bon, reprenons rapidement les bases, parce que j'en vois au fond de la classe qui sont un peu perdus ....
En 1820, la France est entrée depuis 6 ans dans la période de la Restauration, c'est-à-dire de la restauration de la monarchie en tant que régime politique. Cette période s'étire de l'abdication de Napoléon Ier en 1814 à la chute du régime après les Trois Glorieuses de 1830.
C'est le comte de Provence qui est mis sur le trône, prenant alors le nom de Louis XVIII. Mais son règne n'est pas de tout repos, entre un Napoléon qui tente une remontada lors de l'épisode des Cent-jours et diverses factions qui lui reprochent tantôt d'être trop modéré, tantôt d'être plus royaliste que le Roi....
C'est dans ce contexte que se fomente notre complot du Bazar français.
D'anciens militaires de la Grande Armée vont, entre le mois de juin et d'août 1820 se réunir dans le magasin le Bazar français, situé dans une galerie marchande, rue Cadet à Paris et agréger autour d'eux des notables libéraux et une jeunesse libérale, tous regroupés par Joseph Rey, un habitué du Bazar français et membre fondateur de la société secrète de l'Union.
Le complot vise à chasser Louis XVIII du trône pour propulser à sa place Napoléon II qui n'a alors que ... 9 ans.🙃
Le projet est vite éventé et le 20 août 1820 les arrestations commencent à pleuvoir. C'est la fin du complot du Bazar français.
Quelle perfidie !! Quelle scélératesse !!!
Et nous voici le 4 septembre 1820. Le Conseil municipal est réuni en séance extraordinaire à la suite d'une lettre du Sous-Préfet dans laquelle ce dernier propose, non, suggère...que dis-je, il instille dans le coeur du Conseil l'envie irrépressible de témoigner au Roi sa fidélité.
Les termes exacts du Sous-Préfet dans sa lettre sont : "[...] le plaisir qu'il aurait que le Conseil municipal votât [...] une adresse au Roi, tendante à déposer au pied du trône de Sa Majesté, les expressions de l'horreur qu'il a éprouvé avec tous les habitants de cette ville, à la nouvelle du complot qui a été formé contre la famille, par des hommes indignes du nom de français et qui avaient été comblés des bienfaits de Sa Majesté."
Le Conseil municipal délibère donc avec "empressement" pour exprimer des sentiments qu'il vient de se découvrir 😁
Et à partir de là, c'est un florilège d'amour et de dévotion, chaque mot placé pour exprimer une adoration qui passerait auprès de Français d'aujourd'hui, 203 ans plus tard, presque pour de la flagornerie.
Il est intéressant dans cette adresse de voir l'usage qui est fait de points d'exclamation et d'interjections comme le pronom Quoi ! pour souligner l'attitude affective du Conseil qui s'exprime.
On remarque que le texte soufflé par le Sous-Préfet est repris puis améliorer, les "hommes" devenant ici des "monstres"
On notera pour finir cette dernière phrase qui peut sembler étonnante : [...] et pour qu'elle daigne nous accorder bientôt l'auguste rejetton tant désiré de tous les bons français. Si le terme familier de rejeton peut aujourd'hui étonner, ce vœu est l'écho d'une inquiétude grandissante : Louis XVIII n'a pas de descendant, mettant en péril le retour fragile de la monarchie et la maison des Bourbon. Inquiétude accentuée par l'assassinat quelques mois plus tôt du Duc de Berry, alors considéré comme le dernier Bourbon à pouvoir donner une descendance.
Ce vœu, formulé par le Conseil municipal ne sera pas exaucé...
Il est délicat aujourd'hui d'apprécier la sincérité et la spontanéité du Conseil municipal lorsqu'il exprime ses sentiments au Roi. Véritable fanatisme ou loyauté de façade, contrainte par un pouvoir déconcentré qui incite "fortement" les pouvoirs locaux à participer au culte national ?
Difficile d'en juger à une époque où le règne de Louis XVIII se durcit pour étouffer toute forme d'opposition.